J'ai retrouvé ce matin une galette de puerh dont je n'ai aucun souvenir.
De toute évidence j'en ai bu plus d'une fois car elle est bien grignotée. C'est un sheng, rangé avec mes références 2006-2007 donc de ces années-là... d'ailleurs sur l'emballage c'est écrit 2006. Bon, une galette de Mengku Rongshi que j'ai dû acheter chez Puerh Asia autour de 2010-2011, mais pas la MuShuCha dont l'emballage a beaucoup plus de rouge et qui m'est bien familière. Il y a une bonne odeur de puerh qui flotte autour de la galette, un truc complexe et doux, peut-être un peu fruité ? Un peu fumé ? Quelque chose de vaguement acidulé... du citron ?? Attends, ça me dit quelque chose ce pôle fumé-citronné...
De fil en aiguille, je me suis aperçu qu'il s'agissait de la fameuse galette d'arbres sauvages de Da Xue Shan pour laquelle j'avais noté quelques impressions sur mon tout premier blog de thé en 2011, et aussi fait un compte-rendu ici. Le premier n'est plus en ligne, mais voici ce que j'avais écrit à l'époque :
Un calme champ d’été, un soir après la canicule, quand la terre a chauffé et qu’une odeur sucrée de foin et d’herbes en santé flotte dans l’air. C’est ce que m’évoque l’odeur de cette galette, une fois le morceau choisi placé dans la théière chaude.
[...] une texture à la fois liquide et crémeuse, qui laisse une sensation très définie sur la langue après son passage. Il y a même un petit retour de goût qui me rappelle légèrement la crème — quelque chose de soyeux, sucré, légèrement animal.
Au niveau des arômes en revanche, j’en reste au niveau de l’odeur du vent chargé des champs autour. Quelque chose qui rappelle la ferme, l’odeur sèche, un peu amère, caractéristique de la paille coupée mêlée des récoltes encore sur pied… Ici, pas du tout d’humidité forestière, pas d’impression de champignon ou de « jungle » (c’est à dire une odeur lourde de végétation humide mêlée de relent sauvage légèrement animal)… Purement le sud de la France de cet été, en pleine sécheresse caniculaire.
C’est une liqueur très enveloppante, très… calme. Peut-être est-ce simplement mon état d’esprit, mais c’est le genre de thé qui me donne envie de me coucher sur l’herbe, sous les étoiles… ou de méditer. Voire les deux.
[...] C’est très difficile de décrire le goût de ce puerh. Selon l’infusion, je le perçois sur la langue, par le palais, littéralement dans la gorge ou carrément par rétro-olfaction — rien dans la bouche, rien en avalant, mais en expirant après avoir avalé… houla ! plein d’arômes. La seule chose dont je suis certain, c’est cette texture crémeuse de lait.
Le thé que je me fais ce matin est, lui aussi, à la fois le même et bien différent. J'y retrouve une trace des saveurs caractéristique du cultivar Ye Sheng, qu'apparemment j'avais complètement loupé dans cette première dégustation. J'y trouve une belle base de saveurs sourdes, complexe comme un parfum de cigare, et dans laquelle je crois identifier l'évolution des saveurs fumées et de l'amertume qui s'est pour ainsi dire dissipée. J'y retrouve le bois (de tilleul ?) de la dégustation plus récente, une odeur sèche et sucrée dont mes souvenirs de lutherie sont imprégnés. J'y trouve une texture beaucoup moins grasse, beaucoup plus asséchante, mais toujours généreuse.
Surtout j'y retrouve la rétro-olfaction joueuse, l'impression de percevoir ce thé par son jeu de textures sur ma langue, par ses retours surprenants plutôt que par ses saveurs et arômes un peu en retrait.
La couleur de la liqueur a bien changé depuis le temps. Sur les photos la dernière fois elle était encore très, très jaune. Maintenant c'est un bel orange brûlé, dont la saturation est visible même contre la tasse de terre rêche d'Eric Soulé.Ça me trouble, cette absence d'amertume qui semble généralisée sur tous mes puerh un peu vieux (!), même sur les infusions poussées. Je me doute bien que c'est une question de maturation, mais je n'arrive pas à me souvenir d'avoir perçu une rondeur fruitée similaire sur les échantillons de sheng un peu plus âgés que j'avais dégusté à l'époque. Le Chung Cha 96 dont j'adorais les saveurs minérales, le Vrac 23 / Puerh "A" 97 qui était plus sur un pôle cuir terreux, aucun de mes compte-rendus ne mentionnent l'amertume mais j'ai quand même souvenir d'un quelque chose qui prend la bouche, rien à voir avec cette douceur de fruits boisés qui ne donne pas encore dans la minéralité. Bon, celles-là c'était du stockage humide, quand même...
Je suppose que je n'ai tout simplement jamais eu de sheng dans cette période de maturation où les fruits évoluent sur le bois. Mais j'ai du mal à me convaincre que ce n'est pas un effet de l'eau ou du stockage très sec que ces galettes ont enduré, et donc ça me trouble.
On attend de l'orage aujourd'hui. Je me demande si c'est pas le moment de dégainer les "vraies" vieilleries, histoire de voir.
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