dimanche 19 octobre 2025

Amitié | 2020, High Mountain Red Ai Lao Shan, Zhenyuan, Simao, Chine, Yunnan Sourcing


C'est l'anniversaire d'un ami de longue date aujourd'hui. 

Il y a eu beaucoup de casse chez moi ces derniers jours. L'endroit où je vis est une construction assez récente. Les planchers sont durs. Lattes de bois posées directement sur dalles de béton, carrelage de céramique à l'entrée, dans la cuisine... Tapis certes, mais seulement dans le salon. Rien pour amortir la chute des jolis ustensiles qui, avec ma maladresse congénitale, ont une tendance continue à me glisser des mains.

C'est une chose de perdre un gaiwan commercial, un peu grossier, dont je me servais régulièrement mais qui est facilement remplaçable.

C'en est une autre de voir fracassées des pièces de potier uniques, certaines antiques, d'autres modernes, chacune irremplaçable autant au niveau de la forme que de la valeur sentimentale.

Je considère que j'ai eu beaucoup de chance jusqu'ici de n'avoir pas cassé de théière. Mais c'est la chance dans la malchance, car dans l'idéal je préférerais bien sûr que toutes mes pièces demeurent intactes. Les voir détruites me crève le coeur, chacune une amitié perdue. Et en ramasser les morceaux dans l'espoir peut-être futile de les réparer un jour, ça m'affecte tout autant. 

À une époque j'avais tendance à les recoller à l’époxy souligné de poudre dorée, version étudiante bon marché du kintsugi japonais (l’époxy durci étant un matériel stable et inerte, c'est une technique finalement assez sécuritaire côté saveurs pourvu que ça ait eu le temps de sécher une bonne semaine). Mais ça fait des années que je ne m'y suis pas essayé. Considérant les pièces que j'ai cassé depuis et mes mains maladroites, j'avoue avoir un peu la trouille. 

Ce n'est pas tant une question de valeur monétaire, quoique ça peut jouer un peu. C'est plutôt que je ne suis pas un expert. Certains matériaux et certaines casses, je m'en suis bien rendu compte, sont plus difficiles à recoller. Quelques-uns ne tiennent tout simplement pas à l'usage, ou alors je n'arrive pas à assembler les pièces correctement et elles continuent à suinter, inutilisables. Parfois il manque des éclats, ça rend la balafre plus large et glissante que je l'aurais souhaité. D'autres fois il manque carrément un morceau, et là il faut façonner de la pâte dans l'interstice, croiser les doigts et serrer les fesses. C'est un travail délicat pour lequel je ne me sens aucun talent.

Mais si mes choix sont entre une réparation qui horrifierait un potier ou mettre les morceaux à la poubelle... honnêtement, mon choix est fait. On va tenter la réparation. Éventuellement. Quand j'aurai trouvé le courage.

Maintenant que c'est écrit, j'y reviendrai. 

J'ai mis du temps à choisir un thé aujourd'hui car je voulais rendre hommage à mon ami avec une boisson qui pourrait lui plaire. Malheureusement je n'ai plus de Zheng Shan Xiao Zhong, le thé fumé qu'on partageait à l'époque, mais je pense pouvoir trouver quelque chose quand même... 

Après réflexion c'est vers ce High Mountain Red Ai Lao Mountain que je me tourne, cette curiosi-thé du Yunnan fabriquée par un producteur d'origine Taïwanaise avec des techniques généralement réservées aux wulong. Les saveurs me rappellent beaucoup ces thés rouges de Taïwan fruités, légers, sucrés dont je suis friand, mais avec la profondeur maltée des feuilles du Yunnan qui se pose en retrait et donne un peu de corps à l'ensemble.

Et puis, ce mariage heureux entre deux cultures, c'est aussi le nôtre. 

Ce thé du printemps 2020 était certes un peu plus fragrant dans sa prime jeunesse, mais il est encore agréable aujourd'hui. Plus tard je ferai tourner un puerh de 2007, qui était l'année de notre rencontre, mais pour l'instant avec l'infusion au gaiwan (réparé il y a bien longtemps à "l'epoxytsugi" que je mentionnais un peu plus tôt), je me régale. 

Ces amitiés de jeunesse qui se nouent très rapidement et qui sont très intenses durent rarement dans la durée. De toutes les rencontres qui m'ont marquées, et il y en a quand même un certain nombre, je peux compter sur les doigts d'une main celles qui ont survécu intactes au passage du temps. 

Certaines se sont fracassées et demeurent en morceaux, irréparables, car nous étions jeunes et impulsifs et beaucoup trop fiers pour s'excuser. Pour d'autres, c'est l'éloignement mutuel qui a eu raison de nous quand notre passion commune s'est épuisée, que nous nous sommes tournés vers d'autres choses, et que nos évolutions respectives se sont avérées incompatibles. 

Et puis il y a mon Wan, rencontré par le biais d'une amitié commune qui n'a survécu ni avec l'un, ni avec l'autre, et avec qui la relation ne cesse de s'approfondir malgré les échanges sporadiques. Il y a très longtemps que nous n'avons pas été une part active dans la vie l'un de l'autre, éloignement géographique et responsabilités oblige. Mais je sais que chaque année, autour de nos anniversaires, nous échangerons une correspondance authentique et vulnérable, qui nourrit et touche l'âme. Quelque chose de précieux qui survit intact aux chambardements de la vie, et qui je l'espère continuera à nous unir par-delà le temps et la distance.

Une amitié comme celle-là, ça n'a pas de prix. Joyeux anniversaire, mon ami.

Il a bien vieilli ce petit Yo Ji Cha 2007 dis-donc ! Beaucoup plus agréable maintenant qu'à l'époque de ma dernière dégustation. Le fumé s'est adouci tout comme l'amertume, les fruits demeurent. Il faudra que je prenne un jour le temps d'en faire un retour complet... peut-être dans deux ans, pour les 20 ans de notre amitié.

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