Le ciel nous fait la fête des couleurs ce soir, probablement pour se faire pardonner ce monochrome blanc qui est arrivé bien trop tôt. C'est plus fort que moi, je n'arrive pas à arrêter de courir dehors prendre des photos. C'est jaune beurré, rose et rouge, violet... avec la petite bande bleue aux raz des toitures pour faire contraste, et maintenant le soir qui tombe. Magnifique. Une fois n'est pas coutume, j'ai envie d'un shu.
Celui que je choisis m'offre des parfums tout en finesse dès la galette déballée. Menthol, café et cacao, une note sucrée sous-jacente qui me donne envie d'en infuser une liqueur corsée. Ma toute première galette de shu ! Je n'ai pas souvenir d'avoir fait un compte-rendu ici, ça devait être sur mon premier blog. Je l'avais achetée par l'entremise d'Olivier de Puerh Asia, et lui en avait fait un compte-rendu là.
Mais ça date tout ça ! Et c'est un shu de 19 ans maintenant, majeur et vacciné (pas d'anti-vaxx chez moi), prêt pour l'université, bientôt on va lui apprendre à conduire. Bon, je pousse la plaisanterie un peu mais en vrai j'ai bien hâte de voir où celui-là va m'amener. Les feuilles sentent bon dans la théière chaude, c'est complexe et raffiné, même un peu enivrant. S'il y a un thé qui a bien vieilli chez moi, à coup sûr c'est celui-là.
4.6g dans ma théière Lin's Ceramics de.............. la vache j'ai oublié combien de millilitres elle fait celle-là. Une chance que je l'avais noté sur mes anciens posts. 150 ml apparemment ! C'est marrant, je pensais qu'elle était plus près du 200. Enfin bref. Deux rinçages, puis ça démarre à 30 secondes.C'est d'une douceur...
Le menthol est ultra-présent, avec un bon goût de terre sucrée et du bois noble bien sec en-dessous. Mais la liqueur, elle, n'a absolument rien de sec. C'est riche, généreux, complexe, ça se développe sur la langue tout en rondeur. Et ça fait un bien fou au corps, comme si quelque chose de désaligné avait été remis en place par son passage.
Je détecte aussi une saveur âgée qui me surprend énormément. Je sais bien que ça ne devrait pas, vu son âge, mais je n'ai jamais noté une telle transformation dans les sheng que je bois beaucoup plus souvent. Le shu c'est une rareté pour moi, et là j'ai l'impression de boire un thé qui a exactement son âge. Cette note que je ne saurais décrire autrement que par "vieux shu", un truc un peu poudreux, boisé, résineux, ambré, c'est exactement la même que celle que je trouvais sur des shu du début des années 90 il y a 15 ans.
La troisième infusion est plus corsée, à la limite de l'agréable, mais c'est ma faute : j'avais été imprudent en versant l'eau qui en a profité pour déborder partout. Le petit meuble noir sur lequel je fais mes dégustations n'aime pas être mouillé, il a fallu éponger en vitesse et pendant ce temps ça infusait, ça infusait. Entre deux et trois minutes au moins. Amertume donc, quelque chose de piquant comme le poivre, et des saveurs de bois résineux. Mais par-dessous, cette même richesse sucrée et texture souple qui fait qu'au final j'apprécie, une fois le choc de la première gorgée passée. Quelle belle trouvaille, Olivier. Merci de m'en avoir fait profiter.J'ai souvenir que sur cette galette, il y avait des saveurs de terreau et de boulangerie prononcées. Celles-ci sont toujours présentes, mais plutôt en retrait comparé au menthol. J'ai l'impression que ce sont elles qui lentement se développent en "saveur vieux shu". Ça me touche honnêtement, c'est un honneur de voir quelque chose chez moi évoluer de cette façon.
Une pause pour manger, puis reprise de la dégustation trois heures plus tard. Je suis étonné que le morceau de galette que j'ai mis dans la théière ne soit pas complètement délité, donc je l'égraine avec les doigts. Reprise sur 45 secondes pour la cinquième infusion. Les parfums sont beaucoup plus puissants maintenant, et ça se confirme aussi dans la tasse. Toujours ces notes de shu un peu âgé qui se déploient sur ma langue avec une belle complexité, plusieurs vagues de saveurs qui se présentent de façon successives, une très longue finale mentholée. C'est vraiment un beau thé.
Ça faisait un petit moment que je n'avais pas pris autant de plaisir sur une dégustation.La nuit est bien tombée, je continue ma dégustation au ralenti, me fais la promesse de tester mes autres shu bientôt. Vais-je tenir cette promesse ? On verra bien. Le shu ça aide la digestion, mais dans mon cas ça l'aide parfois un peu trop. Je ne peux pas me permettre d'en faire un thé quotidien. Cela dit, une ou deux fois par semaine peut-être, ça pourrait se négocier...
... à condition que l'envie se maintienne, car faut avoir envie de le boire le jus de terreau. Moi d'habitude je préfère les trucs un peu plus vert. Mais bon, hein. Comme je disais, on verra. Ce qui est certain, c'est que c'est le thé parfait pour cette soirée hivernale. Je me sens bien réchauffé.Sur la sixième infusion j'ai l'esprit cotonneux, je dirais même un peu ivre. Il faut le faire franchement, être teadrunk sur un shu.
Les longues infusions s'enfilent, j'en perd le compte... de toute façon quand on aime on ne compte pas, et c'est à sortir ces platitudes qu'on voit à quel point je suis affecté. Vaut mieux arrêter la prise de notes là avant de tomber dans le ridicule complet, c'est déjà trop bien amorcé.
Je reste sur l'impression d'une dégustation rare. Quel plaisir.
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