lundi 3 novembre 2025

Fallen Idols | 2010, Yi Hao, Chen Sheng Hao, Tea Urchin

J'ai appris hier que David et Leigh Eddings, géants littéraires de mon adolescence, avaient été arrêtés et emprisonnés dans les années 70 pour abus, maltraitance et cruauté envers leurs enfants adoptifs. Ils ont été jugés séparément et ont chacun reçu une peine de 12 mois, qu'ils ont purgé quelques années avant de commencer leur carrière littéraire. J'ai lu les détails de ce qu'ils ont fait. C'est tout simplement atroce. D'ailleurs pour avoir mérité une peine si "sévère" à la fin des années 70, avant que les droits des enfants ne soient établis, c'est que la gravité de ces actes devait dépasser même tout ce que j'ai lu.

C'est une nouvelle que je trouve extrêmement difficile à avaler. 

D'abord parce que ça me touche sur un plan personnel. Moi aussi, j'ai été victime de maltraitances commises par des adultes sur l'enfant que j'étais, et j'ai une connaissance intime de la souffrance qu'une telle trahison peut engendrer. Surtout quand ça vient d'un parent. 

Mais aussi parce que ces deux-là ne sont que les derniers à joindre une longue, très longue liste de mes héros d'enfance qui ont produit des œuvres d'art remarquables, des bouquins qui ont marqué ma vie et sur lesquels j'ai construit mon identité, mes valeurs, et qui au final se révèlent avoir été écrits par des gens qui perpétuent violence et souffrances de toute sorte. Souvent envers les enfants. 

J'ai envie de croire que la rédemption est possible, que ceux qui posent ces actes sont encore capable de bonne foi, de réparation. Mais quand je repense aux histoires qu'ils ont écrites, à certaines scènes en particulier qui m'avaient fait tiquer même à la première lecture, j'en suis incapable. Ce qui à l'époque m'avait semblé être l'une de ces choses qui ne peuvent être comprises que du point de vue d'un adulte, qu'il était si facile de mettre de côté à une époque où ma vie n'était construite que de confusion, je les relis aujourd'hui et n'y trouve plus qu'une justification chambranlante, égoïste, et par-dessus tout hypocrite. Une perpétuation de la souffrance, écrite par des gens qui eux-mêmes ont dû avoir des vies souffrantes, mais qui se sont montrés à l'âge adulte incapables de ne pas la transmettre, de ne pas la justifier. Et le cycle continue, ce cycle de violence qui écrase tout sur son passage, qui finalement définit une bonne portion de l'humanité.

J'ai du mal à ne pas en concevoir une rage sourde qui remonte directement aux racines de ce que j'ai vécu. 

Et j'ai mal. J'ai mal car ces bouquins sont les mêmes qui m'ont aidé à tenir le coup quand j'étais dans une situation de violence. Ce sont les mêmes qui m'ont fait prendre sur moi, qui m'ont forcé à tenter de comprendre le point de vue des adultes qui me maltraitaient, à pardonner, et en vieillissant à maintenir le silence, laisser ces choses dans le passé. Ces choses qui aujourd'hui, à l'annonce de cette nouvelle, me prennent à la gorge et m'étouffent. 

Je voulais me préparer un thé réconfortant aujourd'hui, quelque chose de chaud, sucré, un baume au coeur. Mais après quelques heures à tergiverser, c'est finalement cette Yi Hao que je choisis. Un sheng du terroir de Bulang, pour aller avec ma petite théière à la cassure soulignée de doré, et dont la force intacte me laisse des cendres dans la bouche.

Et avec lequel, finalement, je me sens compris. 

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