Cette galette goûte l'eau.
Je ne sais pas comment l'exprimer autrement. Elle a peu de saveur, de l'acidité, un poil d'amertume, quelques parfums peu développés, ce n'est pas mauvais, c'est surtout très diffus. Mais c'est l'image mentale que ce thé me renvoie qui est si présente, si précise, que j'ai du mal à la dépasser pour me concentrer sur ce que j'ai en bouche : une eau sombre, vive, dont la surface est effleurée d'une aile de canard en vol. L'omniprésence des couleurs vert cèdre et violet sombre, parsemés de reflets d'or et d'un mouvement calme, concentrique, brisé par le vent et ses vaguelettes, par le flot naturel de la rivière.
Je ne la décris plus tout à fait de la même façon mais de toute évidence c'est la même image. Elle se retrouve au bas du premier compte-rendu que j'en ai fait en 2013, et encore sur l'autre de 2016.Je crois que c'est peut-être une question de texture en bouche... la liqueur est à la fois épaisse et coulante, me rappelle les gorgées d'eau dure que j'ai bu en visite chez une amie à St-Hyacinthe. Ça n'en a pas les saveurs (heureusement), mais la texture, ça pourrait être ça.
Drôle de thé.
Une mauvaise pioche celle-là aussi, il faut bien l'admettre. Je me demande si la personne qui a monté le mélange avait de l'expérience dans le vieillissement des feuilles de ces régions, ou si c'est tout simplement les restes de maocha qui ont été mêlés et pressés ensemble juste pour épuiser les stocks, sans trop se soucier de ce que ça allait donner en vieillissant. Elle était correcte dans sa première année, très fraîche bien qu'un poil agressive, des beaux parfums, j'en avais gardé un bon souvenir. Mon deuxième test trois ans plus tard n'était pas aussi concluant. Et maintenant ?
L'astringence qui me dérangeait n'y est plus, le côté fumé s'est complètement dissipé. La texture est toujours bien ronde et épaisse. C'est vaguement sucré, à mi-chemin entre fruité et boisé sans être vraiment ni l'un ni l'autre. Mais il manque quelque chose. Je n'arrive pas à décrire ce que c'est. Une porte ouverte qui devrait être fermée, une absence là où j'attendais une présence, et en contrepartie trop de présence là où je préférerais quelque chose qui s'efface. Un assemblage réussi devrait donner un thé dont le tissu gustatif se déploie sur plusieurs registres, dans celui-ci j'ai une étoffe triple épaisseur à gauche et parsemée de trous à droite.Bref cette confusion des parfums et saveurs me donne de la confusion mentale. Beaucoup trop de yang, pas assez de yin, ça fait mentir son emballage. Qu'est-ce que je bois là en fait ? Je n'arrive pas à le déterminer. C'est comme si j'avais dans la tasse un Élément plutôt qu'un thé, et en plus c'est pas exactement celui qui m'est le plus amical.
C'est meilleur un peu tiède, j'y trouve plus de complexité, allez savoir... c'est pas mauvais, mais c'est complètement débalancé.Mes infusions de sheng avaient tellement de succès ces derniers jours que je me suis dit allez, c'est l'heure de re-tester les trucs que j'avais classé il y a 10 ans dans la pile des savates, j'ai eu des bonnes surprises en octobre dernier. Mais en fait non, celle-là y'a rien à faire, ça passe toujours pas. Elle me rappelle une autre de mes galettes d'ailleurs, une "Yun Chun Jinggu Da Bai Hao" de 2008 que j'avais récupéré chez ChaWangShop il y a 15 ans et qui a grosso modo les mêmes travers. Confusion, débalancement, liqueur épaisse avec des saveurs qui m'évoquent l'eau. Elles étaient rangées l'une près de l'autre, la contamination n'est pas impossible.
Qu'est-ce qu'on fait avec nos mauvaises pioches ? C'est beaucoup de thé à mettre au compost. Pensez-vous que mes écureuils aimeraient en grignoter les feuilles ? Je ne me vois pas refourguer cette galette à quelqu'un d'autre... ou alors en présentant des excuses quoi. Peut-on cuisiner du mauvais sheng ? Faudrait que je trouve une recette qui fonctionnerait avec ces saveurs, mais c'est tellement timide dans la tasse que j'ai l'impression que ça n'apporterait pas grand-chose au plat que j'en ferais. Une sauce à faire réduire peut-être... mais pour aller avec quoi ?Bon. J'ai le temps d'y penser, je suppose. C'est pas comme si la galette allait se faire pousser des pieds pour partir en courant.
(Mais si elle y songe je vais pas l'en empêcher.)
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